J’ai rempli mon âme. De tout et de rien. De rien surtout, de trop- de tout, de rien- du tout. Ne restent que les résidus. Les résidus des sentiments fanés, des intentions gâchées, des espoirs lassés. Des résidus aux bords érodés, qui ne blessent plus vraiment, mais qui m’irritent lentement, qui font bien trop de bruit en marchant, qui dérangent le silence patient, qui tintent l’avenir transparent. J’ai rempli mon âme de tous les résidus cassant, coupant, piquant et tranchant, je les ai polis à la pierre de mes murs intérieurs, je les ai usés au feu de ma force, léchés à la flamme de ma folie. J’ai été folle, oh oui, folle d’aimer et de haïr, de mépriser et d’adorer, de connaître et de rejeter, de remplir et de vider. J’ai manqué, j’ai manqué d’amour alors même qu’il se déversait, j’ai manqué d’amour comme on a soif d’un torrent au beau milieu d’un océan, j’ai manqué d’amour parce qu’on n’en a jamais assez. Assez ! me dit-on, assez, tu en as assez eu! Oui, oh oui combien je le sais, je le sais et ça me tue, assez je ne sais pas, mais que j’en ai beaucoup eu je le sais, mais dois je pour cela renoncer à ce que j’ai voulu? Que dois-je dire à ma folie, à ma folle âme irritée et brulée, raclée et tannée, qui réclame et qui hurle, qui crie et qui tue ? Que dit-on à mon âme éperdue, lui dira-t-on que trop d’amour elle a reçu, et qu’elle n’en aura jamais plus ? Elle crie à l’injustice et traîne ses résidus, pauvre folle qui erre dans les rues, son sac de folies sans but, sorcière effrayante toute nue. Mon âme est pleine de résidus. Mon âme est folle de résidus. Ma vie est pleine de fragments foutus. J’ai rempli mon âme car j’ai manqué d’amour à force d’en avoir trop reçu. Folle est mon âme perdue.
©RéLouE.