Cette fois, je n’ai plus le choix. Il me faut à nouveau retrouver la douleur d’écrire. Car la douleur de vivre est revenue. Tant d’efforts j’ai déployé pour me construire… et pfuit ! Poussière ! Ma vie, ma vie se trouve soudaines, soudaines poussières. La colère. La colère profonde, abyssale. Je ne pensais pas retrouver son odeur bouillonnante et sa froide texture. Je l’avais laissée derrière moi, je l’avais chassée au profit du pardon, et pardon, oh pardon ! A nouveau l’ai laissé s’inviter.
Cette colère je la connais. C’est la colère de la souffrance. Celle qui empêche de s’écrouler. Trébucher. Au début, oui, juste trébucher au lieu de s’écrouler de souffrance. Trébucher de colère. J’en sais le chemin. Je sais le chemin du pardon, l’adieu à la colère. Le vrai pardon, le véritable, est sans retour : on ne dépardonne jamais. Mais ce sont parfois d’autres colères qui s’installent, on ne décolère jamais vraiment non plus, et me voilà qui en découvre, atterrée, ébahie, l’étrange réalité aujourd’hui.
Seulement bien-sûr, cette fois, cette fois nouvelle, je ne me soustrais pas : je sais qu’il m’en faudra sortir. La douleur, autrefois si aigue, aigue à transpercer, s’est assagie : elle m’avale, m’anéantie de sa puissance, mais ne me laisse pas ne pas résister. Je sais qu’il m’en faudra sortir. Je contemple ma conscience s’évader, la réalité s’éroder, mes émotions me submerger, me noyer, m’engloutir… Je contemple, assourdie, étourdie et chancelante, le vacarme que fait ma vie à être ainsi ensevelie du silence de la douleur.
Je contemple mon esprit à la dérive, m’emplit de vide et cherche à disparaître, là, quelque part au fond de moi. Cette fois, je n’ai plus le choix, il me faudra m’en sortir. La souffrance ne me laisse pas imaginer cette fois, que je puisse un jour en finir de tous mes jours, cette fois je le sais, il me faudra vivre. La pensée m’accompagne comme une ombre, présente et immatérielle, et ne deviens jamais mienne. Je la sais, je ne la sais que trop bien, et je la sais inaccessible : il me faudra vivre, et cela, cela sera difficile.
Il me faudra vivre, c’est sans issue.
© RéLouE